Immeubles rentables selon les courtiers, pas pour les investisseurs
Martin, un lecteur du blogue, m'écrit le commentaire suivant:
"Mon plus grand défi est de savoir comment trouver un plex rentable. Plusieurs agents indiquent dans leurs fiches descriptives des commentaires comme plex rentable, rare sur le marché très rentable. Pourtant, quand je calcule les revenus moins les dépenses, j'arrive toujours avec un cashflow négatif, sauf si je mets une très grosse mise de fonds. Bref, j'ai de la difficulté à savoir comment déterminer sur papier si ça vaut la peine de poursuivre mes démarches. Résultat: Je laisse toujours tomber".
Martin a bien raison. Pour 95% des plex affichés sur Centris ou DuProprio, je fais le même constat que lui.
Je comprends les vendeurs de vouloir obtenir le gros prix. Je ferai de même quand je vais vouloir vendre. Le problème, c'est qu'aux prix demandés, la plupart des plex ou immeubles multilogements sont pratiquement impossibles à financer sans mettre une mise de fonds gargantuesque. C'est bien d'être gourmand, mais encore faut-il être un peu réaliste.
NE VOUS FIEZ PAS AUX FICHES DESCRIPTIVES DES COURTIERS!
Prenez à peu près n'importe quelle fiche descriptive dans Centris, et à quelques exceptions près, par exemple les fiches de la firme PMML qui sont très détaillées avec des dépenses harmonisées, presque toutes les fiches vont systématiquement omettre de présenter des postes de dépenses importants dans la section décrivant les dépenses d'opérations de l'immeuble.
Vérifiez toutes les dépenses AVANT d'acheter pour vous éviter un arrêt cardiaque une fois propriétaire. Les fiches descriptives embellissent souvent la réalité financière de l'immeuble. |
Jamais ils ne vont mettre les dépenses d'entretien. Pourtant la SCHL, dans ses dépenses harmonisées, recommande de mettre 550$ par logement, par année! Et croyez-moi, ce montant est probablement trop bas. Nous avons récemment refait une toiture sur un 6-plex à Montréal, qui devrait durer 30 ans en théorie (en élastomère). Coûts de près de 50 00$. Admettons que ça aurait dû coûter moins cher, car il y avait pas mal de couches de bitume à enlever. Mettons 40 000$, c'est quand même une moyenne de 222$/logement/année. Ça c'est juste pour la toiture. Faites le même calcul avec les fenêtres qui seront à changer, avec les cuisines et salles de bain à rénover à tous les 25 ans, la plomberie à refaire éventuellement, sans même compter l'entretien normal, et vous arriverez probablement à plus qu'une moyenne de 550$ par année par logement.
Avec les nouveaux fléaux des punaises de lit, vous ne croyez pas qu'il serait judicieux de se mettre un montant moyen par année pour cette dépense éventuelle? Ça peut coûter plusieurs milliers de dollars se débarrasser de ces parasites. Si ça vous arrive, ne serait-ce qu'une fois en 25 ans, c'est peut-être une dépense moyenne de 300$/an à mettre dans vos simulateurs de rentabilité.
Sur les immeubles de 5-6 logements, la SCHL va calculer une dépense de 175$ à 300$ par logement par année pour les frais de concierge, selon le type d'immeuble. Que vous ayez un concierge ou non n'est pas important. Cette dépense doit être mise pour le financement. Ça ne sort jamais dans les fiches descriptives ça.
Si le plex que vous analysez contient des logements incluant des électroménagers, il faut mettre une réserve de 100$ par logement par année en vue d'un éventuel remplacement. Ce n'est pas vrai que le réfrigérateur va durer 25 ans. Ça ne sort jamais dans les fiches descriptives, ça non plus.
Un autre exemple, la SCHL recommande de mettre une dépense de gestion et d'administration de 3-5% par année pour les immeubles de 5-6 logements. Mettez ça dans vos simulations. Ça ne sort jamais dans les fiches descriptives...
Les revenus nets qui sont présentés dans les fiches sont souvent largement surestimés.
ATTENTION AUX DÉPENSES RÉELLES INSCRITES, ELLES NE SONT PAS TOUJOURS VRAIES!
Prenez garde aussi aux dépenses inscrites sur les fiches. J'ai vécu à au moins deux reprises depuis deux ans des cas où les frais d'électricité réels étaient carrément frauduleux sur les fiches. Du simple au triple. De quoi changer la valeur économique d'une propriété de 45,000$ dans l'un des cas! Les courtiers devraient avoir une responsabilité de valider les chiffres qu'ils mettent sur leurs fiches. Ce n'est pas toujours le cas, croyez-moi. Vérifiez les informations auprès d'Hydro-Québec par exemple. Demandez les factures des 12 derniers mois.
Même chose pour les assurances. Quand je vois des 10-plex valant 1 400 000$ et que le montant d'assurance inscrit sur la fiche est de 2 500$, j'ai un gros gros doute. Assurément, ça va vous coûter plus cher que ça lorsque l'immeuble sera en votre nom. Demandez à voir le détail de l'assurance.
Demandez à voir l'État des loyers de biens immeubles du rapport d'impôt du vendeur pour l'année précédente pour l'immeuble en question, vous verrez souvent que du point de vue de l'impôt, son immeuble n'est pas rentable, et pourtant il apparaît comme très rentable dans la fiche descriptive au moment de le vendre!. C'est sûr, il y a soudainement plein de dépenses qui disparaissent de cette fiche descriptive par rapport aux dépenses réelles qui apparaissent, elles, dans le rapport d'impôt.
Lors de l'achat d'un de nos 6-plex, on s'est fait passer un faux bail par les anciens propriétaires. Le montant écrit n'était pas le montant réellement payé par la locataire. Un lecteur du blogue vient de vivre la même chose suite à l'achat d'un plex. TOUS ses baux sont frauduleux. Le choc lors de sa première collecte de loyer! Bref, vérifiez avec les locataires le montant des loyers. Demandez une preuve des dépôts des 12 derniers mois...
Ne vous fiez à personne, ni au vendeur, ni à son courtier, ni à votre courtier. Faites vos propres calculs, vos propres vérifications. Utilisez les dépenses harmonisées de la SCHL pour éviter des surprises. Vous serez en meilleure position pour négocier avec le vendeur ou son agent. Parfois, il faut leur faire un peu d'éducation. S'ils n'aiment pas votre prix, passez au suivant. Laissez quelqu'un d'autre lui acheter son immeuble à revenus pertes.
P.S. Pour les courtiers, oui je sais, vous n'êtes pas tous comme ça. L'objectif de l'article est de responsabiliser les acheteurs à tout contre vérifier et de ne rien croire sans faire une double vérification).